ACTES DES APOTRES 12:1-24
TEXTE
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Actes 12:1-24 (Louis Segond)
Actes 12
1Vers le même temps, le roi Hérode se mit à maltraiter quelques membres de l'Église,
2et il fit mourir par l'épée Jacques, frère de Jean.
3Voyant que cela était agréable aux Juifs, il fit encore arrêter Pierre. -C'était pendant les jours des pains sans levain. -
4Après l'avoir saisi et jeté en prison, il le mit sous la garde de quatre escouades de quatre soldats chacune, avec l'intention de le faire comparaître devant le peuple après la Pâque.
5Pierre donc était gardé dans la prison; et l'Église ne cessait d'adresser pour lui des prières à Dieu.
6La nuit qui précéda le jour où Hérode allait le faire comparaître, Pierre, lié de deux chaînes, dormait entre deux soldats; et des sentinelles devant la porte gardaient la prison.
7Et voici, un ange du Seigneur survint, et une lumière brilla dans la prison. L'ange réveilla Pierre, en le frappant au côté, et en disant: Lève-toi promptement! Les chaînes tombèrent de ses mains.
8Et l'ange lui dit: Mets ta ceinture et tes sandales. Et il fit ainsi. L'ange lui dit encore: Enveloppe-toi de ton manteau, et suis-moi.
9Pierre sortit, et le suivit, ne sachant pas que ce qui se faisait par l'ange fût réel, et s'imaginant avoir une vision.
10Lorsqu'ils eurent passé la première garde, puis la seconde, ils arrivèrent à la porte de fer qui mène à la ville, et qui s'ouvrit d'elle-même devant eux; ils sortirent, et s'avancèrent dans une rue. Aussitôt l'ange quitta Pierre.
11Revenu à lui-même, Pierre dit: Je vois maintenant d'une manière certaine que le Seigneur a envoyé son ange, et qu'il m'a délivré de la main d'Hérode et de tout ce que le peuple juif attendait.
12Après avoir réfléchi, il se dirigea vers la maison de Marie, mère de Jean, surnommé Marc, où beaucoup de personnes étaient réunies et priaient.
13Il frappa à la porte du vestibule, et une servante, nommée Rhode, s'approcha pour écouter.
14Elle reconnut la voix de Pierre; et, dans sa joie, au lieu d'ouvrir, elle courut annoncer que Pierre était devant la porte.
15Ils lui dirent: Tu es folle. Mais elle affirma que la chose était ainsi.
16Et ils dirent: C'est son ange. Cependant Pierre continuait à frapper. Ils ouvrirent, et furent étonnés de le voir.
17Pierre, leur ayant de la main fait signe de se taire, leur raconta comment le Seigneur l'avait tiré de la prison, et il dit: Annoncez-le à Jacques et aux frères. Puis il sortit, et s'en alla dans un autre lieu.
18Quand il fit jour, les soldats furent dans une grande agitation, pour savoir ce que Pierre était devenu.
19Hérode, s'étant mis à sa recherche et ne l'ayant pas trouvé, interrogea les gardes, et donna l'ordre de les mener au supplice. Ensuite il descendit de la Judée à Césarée, pour y séjourner.
20Hérode avait des dispositions hostiles à l'égard des Tyriens et des Sidoniens. Mais ils vinrent le trouver d'un commun accord; et, après avoir gagné Blaste, son chambellan, ils sollicitèrent la paix, parce que leur pays tirait sa subsistance de celui du roi.
21A un jour fixé, Hérode, revêtu de ses habits royaux, et assis sur son trône, les harangua publiquement.
22Le peuple s'écria: Voix d'un dieu, et non d'un homme!
23Au même instant, un ange du Seigneur le frappa, parce qu'il n'avait pas donné gloire à Dieu. Et il expira, rongé des vers.
24Cependant la parole de Dieu se répandait de plus en plus, et le nombre des disciples augmentait.
EXPLICATION PAR SAINT JEAN CHRYSOSTOME
http://jesusmarie.free.fr/jean_chrysostome_homelies_sur_les_actes_des_apotres_2.html
HOMÉLIE XXVI. EN CE TEMPS-LA LE ROI HÉRODE ENTREPRIT DE TOURMENTER QUELQUES-UNS DES MEMBRES DE L'ÉGLISE. — IL FIT PÉRIR PAR LE GLAIVE JACQUES, FRÈRE DE JEAN. — VOYANT QUE CELA PLAISAIT AUX JUIFS, IL RÉSOLUT DE S'EMPARER DE PIERRE. C'ÉTAIT ALORS LE JOUR DES AZYMES. (CHAP. XII, 1, 2, 3, JUSQU'AU VERS. 17.) ANALYSE.
1-3. Pierre est mis en prison par Hérode et délivré par un ange.
3 et 4. Que l'affliction est un grand bien. — Bonheur de ceux qui veillent. — Le spectacle de la nuit élève l'âme vers le Créateur. — La nuit est le meilleur temps pour la prière et pour la pénitence.
1. Quel temps désigne " ce temps-là ? " Celui qui suivit immédiatement. Dans le texte , il en est ainsi ; ailleurs, cette parole s'interprète d'une autre manière. Ainsi lorsque Matthieu dit : " En ces jours Jean vint prêchant ", il ne désigne pas les jours suivants, mais ceux auxquels se passaient les choses qu'il raconte. L'Ecriture se sert de cette forme , lorsqu'elle raconte les faits qui ont suivi , et aussi lorsqu'elle relate des faits arrivés après un certain (126) laps de temps, s'exprimant comme si elle rapportait la suite immédiate. Elle dit bien: " Le roi Hérode "; mais cet Hérode n'est pas celui du temps du Christ. Voici une autre preuve. Voyez, ce que je disais au commencement, comme les choses s'enchaînent, comme elles sont mélangées de tranquillité et de persécution ; ce ne sont plus les Juifs, ni le conseil , c'est le roi qui met la main à l'oeuvre du mal. Le pouvoir est plus grand , la guerre est d'autant plus terrible, qu'elle est entreprise en vue de plaire aux Juifs. " Il fit périr par le glaive Jacques, frère de Jean ", sans raison et comme par hasard. Si quelqu'un demande pourquoi Dieu l'a permis? Nous répondrons que c'est pour leur bien propre que Dieu permet la mort des martyrs: d'abord , pour démontrer que, même lorsqu'on les met à mort, ils triomphent, comme il en arriva pour Etienne. En second lieu, pour donner aux Juifs, lorsqu'ils auront satisfait leur fureur, l'occasion de se repentir de leur folie; enfin, en troisième lieu , pour montrer que rien n'arrive que par sa permission. " Voyant que cela plaisait aux Juifs, il résolut de s'emparer aussi de Pierre ". O immense perversité ! En quoi leur était-il agréable en commettant un meurtre gratuit et téméraire? " C'était le jour des azymes ". Nouvel et frappant exemple de scrupule judaïque. Pour eux, tuer un innocent n'est rien, l'important , c'est de ne pas le tuer le jour des azymes. " Et lorsqu’il se fut et emparé de lui, et l'eut mis en prison , il le confia à la garde de quatre sections de quatre soldats (4) ". C'était le fait de la colère et de la crainte. " Il fit périr par le glaive Jacques , frère de Jean ", dit le texte. Voyez-vous le courage des apôtres ? De peur qu'on ne puisse dire que les apôtres affrontent la mort sans danger et sans crainte, parce que Dieu les délivre. Le Seigneur permet qu'on les mette à mort, eux et surtout leurs chefs, pour montrer aux homicides que cela ne peut les faire reculer ni les arrêter. " Pierre était gardé dans la prison : mais l'Eglise adressait sans cesse pour lui ses prières à Dieu (5) ". C'était dans son chef et dans son principal organe que l'Eglise était attaquée. Cet emprisonnement de Pierre, survenant après la mort de Jacques, remplissait les fidèles de terreur.
" Mais lorsque Hérode devait le produire devant le peuple, pendant cette nuit Pierre dormait entre deux soldats, lié par une double chaîne; les gardes gardaient la porte de la prison. Et voilà que l'ange du Seigneur lui apparut, et la lumière brilla dans le cachot. Et touchant le côté de Pierre, il le réveilla, et lui dit : Levez-vous promptement, et les chaînes tombèrent de ses mains (6, 7) ". Voyez, cette nuit même, Dieu le délivra. " Et la lumière brilla dans le cachot ", afin qu'il ne crût pas à un songe; et personne ne vit la lumière excepté lui. Quoique ce fait fût certain, il était si imprévu que Pierre se croyait le jouet d'une illusion. Mais si le fait se fût passé autrement, l'apôtre eût douté bien davantage. Dieu l'avait laissé plusieurs jours en prison avant de le délivrer, pour qu'il s'apprît à regarder la mort en face. Pourquoi donc, dit-on, Dieu ne permit-il pas qu'il tombât entre les mains d'Hérode, et l’arracha-t-il alors à sa puissance? Parce que la mort de Pierre eût plongé l'Eglise dans la stupeur, au lieu que la mort de Jacques eut un bon résultat. On n'eût pas cru que les apôtres fussent des hommes, si tout s'était passé d'une façon divine. Que n'a pas fait Dieu pour Etienne? Ne fit-il pas ressembler son visage à celui d'un ange? Et qu'a-t-il négligé dans le cas présent? " L'ange lui dit : Ceignez vos reins, et mettez vos sandales à vos pieds ". Dieu montre ici qu'il ne s'agit pas d'une évasion opérée par ruse; le prisonnier qui s'évade en perçant les murs est trop pressé pour prendre tant de précautions, comme de mettre ses sandales et se ceindre les reins. " Il fit ainsi. Et l'ange lui dit : Revêtez-vous de vos habits, et suivez-moi. Et étant sorti, il le suivait; et il ne savait pas si ce que faisait l'ange était la vérité; il croyait avoir eu un songe. Lorsqu'ils eurent passé la première et la seconde garde, ils arrivèrent à la porte de fer qui conduit à la ville, et elle s'ouvrit d'elle-même devant eux (8-10) ". Voici un second prodige. Aussitôt que l'ange eut disparu, Pierre comprit. " Lorsqu'ils furent sortis, ils " allèrent jusqu'à la première rue, et aussitôt l'ange s'éloigna de lui. Et Pierre, revenu à lui-même, dit : Je sais maintenant que le Seigneur a véritablement envoyé son ange, et il m'arrache des mains d'Hérode et de l'attente du peuple juif (11) ". — " Je sais maintenant ", dit-il , non alors. Pourquoi cet événement se .passe-t-il ainsi ? Pourquoi Pierre n'a-t-il pas le sentiment de ce qui se passe, bien qu'il reçût une délivrance qui (127) était aussi celle de toute l'Eglise? Dieu veut qu'il soit délivré soudainement, et qu'après sa délivrance, il ait le sentiment de ce qui est arrivé. Une grande preuve qu'il ne s'enfuit pas, c'est que les chaînes lui sont tombées des mains. " Ayant considéré, il se rendit à la maison de Marie, mère de Jean, surnommé Marc, où étaient réunis et priaient beaucoup de disciples. Pierre ayant frappé à la porte du vestibule, une servante, nommée Rhodé, vint pour écouter. Et ayant reconnu la voix de Pierre, à cause de sa joie elle n'ouvrit pas la porte (12-14) ". Remarquez que Pierre n'entre pas aussitôt , mais qu'auparavant la bonne nouvelle est annoncée aux siens. " Etant accourue, elle annonça que Pierre était à la porte. Ils lui dirent : Tu es folle. Mais elle soutenait qu'il en était ainsi ".
2. Remarquez que les servantes mêmes sont remplies de piété. De joie, elle n'ouvrit pas la porte; ils refusaient de croire à cet événement. " Elle soutenait qu'il en était ainsi ", disent les Actes. " Mais ils disaient : C'est son ange. Et Pierre continuait à frapper. Ayant ouvert, ils le virent, et furent hors d'eux-mêmes. Leur faisant signe de sa main de se taire, il leur raconta comment le Seigneur l'avait fait sortir de la prison. Et il dit : Annoncez-le à Jacques et aux frères. Et s'étant levé , il alla dans un autre endroit (16, 17) ". Reprenons de plus haut la suite de ce qui a été rapporté. " En ce temps-là ", dit l'auteur, " le roi Hérode entreprit de tourmenter quelques-uns des membres de l'Eglise ". Comme une bête féroce, il envahit l'Eglise sans cause et par caprice. C'est là ce que disait le Christ : " Vous boirez le calice que je vais boire, et vous serez baptisé du baptême dont j'ai été baptisé ". (Marc, X, 39.) " Il fit donc périr parle glaive Jacques, frère de Jean ", dit le texte. Mais comment, dit-on, ne fit-il pas périr Pierre aussitôt? L'écrivain en donne la raison : " C'étaient les jours des azymes ", dit-il, et il voulait que cette mort fût entourée du plus grand éclat possible. Les Juifs, sur l'avis de Gamaliel, s'abstenaient de tuer les disciples; d'ailleurs ils n'avaient pas de motifs, mais ils les faisaient tuer par d'autres mains. Comme il y avait un autre Jacques, le frère du Seigneur, on désigne celui-ci en disant : " Frère de Jean ". Remarquez-vous que les trois apôtres étaient les chefs suprêmes de l'Eglise, surtout Pierre et Jacques? C'était là surtout la condamnation des Juifs. Il devenait évident que ce n'était pas une parole humaine qui était prêchée, et l'on voyait véritablement l'accomplissement de cet oracle: " Nous avons été considérés comme des brebis l'immolation. Voyant donc que cela plaisait aux Juifs, il résolut de s'emparer aussi de Pierre ". Le meurtre, et le meurtre injuste, plaisait. La folie d'Hérode est grande; il était aux ordres des absurdes passions des Juifs; quand il eût fallu faire tout le contraire, et arrêter leur fureur, il l'excitait comme s'il eût été le bourreau des malades et non leur médecin; et cependant il avait mille exemples, et de son aïeul et de son père Hérode : il savait de combien de maux avait souffert le premier à cause du massacre des enfants; et que le second, par l'assassinat de Jean , avait soulevé une guerre terrible. " S'étant emparé de lui, il le mit en prison ". Il craignait que Pierre, à cause de la mort de Jacques, ne s'éloignât, et voulant s'assurer de lui, il le jeta en prison. Plus la garde est rigoureuse, plus le spectacle offert est prodigieux. Tout cela fut bon pour Pierre, il sortit de là plus éprouvé, et montra sa force propre.
" La prière ", disent les Actes, " se faisait sans interruption en faveur de Pierre ". La prière est une marque de tendresse. Tous redemandaient leur père, leur père bien-aimé. " Elle était sans interruption la prière faite pour lui ". Apprenez quels étaient les sentiments des fidèles pour leurs maîtres. Ils ne recourent pas à l'émeute et aux troubles , mais à la prière qui est le secours invincible. Ils ne disaient pas : Hommes de néant que nous sommes, comment prierions-nous pour lui. Ils priaient par amour, et ils ne pensaient rien de semblable. Voulez-vous apprendre ce que firent les persécuteurs même sans le vouloir? Ils rendirent les uns plus fermes contre les épreuves, et les autres plus zélés. Si l'on veut les mettre à mort, on choisit un jour de fête comme pour mieux faire éclater leur gloire. " Mais lorsque Hérode devait le produire devant le peuple ", disent les Actes, " Pierre cette nuit même dormait ". Voyez Pierre, il dort, il n'est en proie ni à l'inquiétude, ni à la crainte. Cette nuit, dans laquelle il doit être produit devant le peuple, il dormait, il avait tout remis entre les mains clé Dieu. Ce n'est pas tout . " Il était couché entre (128) deux soldats, lié par deux chaînes ". Voyez combien la garde est rigoureuse? " Et voilà que l'ange du Seigneur lui apparut, et lui dit : Levez-vous promptement ". Les gardiens dormaient tous, et ils ne s'aperçurent pas de ce qui se passait. La lumière brilla afin que Pierre pût voir, et entendre, et qu'il ne s'imaginât point que ce fût un songe. Et pour qu'il ne tarde pas, on lui touche le côté. On ne lui dit pas seulement : " Levez-vous ", mais on ajoute : " promptement ", tant il dormait profondément. " Il lui semblait qu'il avait une vision ", disent les Actes. " Il passa donc la première et la seconde garde ". Où sont maintenant les hérétiques? Qu'ils nous disent comment il passa : mais ils ne le pourraient pas. Et cependant, c'est pour lui persuader que ce n'est pas un songe que l'ange lui ordonne de se ceindre et de se chausser; c'est aussi pour secouer son sommeil, et lui montrer que la chose est vraie. C'est pour cela aussi que soudain ses chaînes lui tombent des mains, et il entend qu'on lui dit: " Levez-vous promptement ". Cette parole n'était pas dite pour le troubler, mais pour lui persuader de ne pas tarder. "Et il ne savait pas ", dit le livre, " si ce que faisait l'ange était vrai; il lui semblait qu'il avait une vision ". Et c'était avec raison, tant le prodige était grand !
3. Ne voyez-vous pas combien est grand ce miracle? combien il frappe celui qui le voit? combien il semble incroyable? Si Pierre continuait à croire que c'était un songe, même après qu'il se fût ceint et chaussé, que n'eût pas fait un autre que lui ? " Ayant donc traversé la première et la seconde garde, ils arrivèrent à la porte de fer. Et lorsqu'ils furent sortis, ils allèrent jusqu'à la première rue, et aussitôt l'ange s'éloigna de lui ". Ce qui s'est passé dans l'intérieur de la prison est plus merveilleux, ce qui suit est plus naturel. Lorsqu'il n'y eut plus d'obstacle, l'ange s'en alla. Pierre n'aurait pu passer au milieu de tant de difficultés ; car, véritablement, il était dans la stupeur. " Maintenant je sais ", dit-il, " que le Seigneur a vraiment envoyé son ange, et il m'a arraché des mains d'Hérode, et à l'attente du peuple juif ".
" Maintenant " (non pas alors que j'étais dans la prison). " Ayant considéré, il alla à la maison de Marie, mère de Jean ". Que veut dire " ayant considéré ? " Ayant réfléchi à l'endroit où il était. Voilà ce qu'il a considéré: ou bien qu'il ne devait pas aller n'importe où, mais rendre grâces à son bienfaiteur. Ayant donc considéré, il alla à la maison de Marie. Quel est ce Jean? Peut-être celui qui était toujours avec les apôtres, et c'est pour cela que l'auteur a donné aussi son surnom.
Considérez combien l'affliction est utile ; combien les fidèles ont gagné en priant la nuit; et combien aussi la prière les a rendus vigilants. N'avez-vous pas vu le bien qu'a procuré la mort d'Etienne ? N'avez-vous pas vu de quelle utilité a été cet emprisonnement de Pierre? Dieu, en ne punissant pas ceux qui persécutent les apôtres, montre la grandeur de l'Evangile; et même en permettant que les méchants vivent exempts des maux qu'ils font souffrir aux bons, il montre que les tribulations en soi sont quelque chose d'excellent, et que nous ne devons chercher ni à les fuir ni à en tirer vengeance. Remarquez aussi dans quelle considération étaient les servantes chez les premiers chrétiens. " A cause de sa joie, elle n'ouvrit pas ", dit l'auteur. Cet incident fut heureusement ménagé, de peur que les disciples; voyant soudainement l'apôtre, ne demeurassent stupéfaits et incrédules ; et aussi pour que leur intelligence fût préparée. Et ce que nous avons accoutumé de faire, la servante le fit aussi ; car elle s'empressait d'aller porter la bonne nouvelle ; en effet, c'était une bonne nouvelle. " Ils lui dirent : Tu es folle. Mais elle soutenait qu'il en était ainsi. Ils lui dirent : C'est son ange ". Il est donc prouvé par là que chacun de nous a un ange. Mais d'où leur vient cette pensée que c'était un ange? Ils supposaient cela à cause de la circonstance. " Mais comme il continuait à frapper, ils ouvrirent, le virent, et furent stupéfaits. Pierre ayant fait signe de la main ", imposa silence pour se faire entendre. Les disciples désiraient, plus que toute autre chose, non-seulement que Pierre fût sauvé, mais encore qu'il fût présent au milieu d'eux. Les fidèles apprirent de la bouche de Pierre tout ce qui s'était passé ; leurs persécuteurs l'apprirent aussi, s'ils avaient voulu croire, mais ils ne voulurent pas. La même chose arriva aussi pour le Christ.
" Annoncez ces choses à Jacques et aux frères ". Remarquez qu'il ne recherche pas la vaine gloire , car il ne dit pas . Annoncez ces choses partout à tout le monde ; mais " aux frères ". " Et il s'en alla dans un autre lieu ".
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Il ne tentait pas Dieu, et ne. se précipitait pas lui-même dans la persécution. Les apôtres ne firent ainsi que lorsqu'ils en eurent reçu l'ordre, par exemple lorsque l'ange leur eût dit : " Entrez dans le temple et parlez au peuple ". (Act. V, 20.) Les apôtres entendirent ces paroles, et aussitôt ils obéirent. Mais ici l'ange ne dit rien de semblable à Pierre, il lui donna seulement la permission de s'éloigner après l'avoir fait sortir en silence et enlevé pendant la nuit. Et les choses se passent ainsi 'pour nous apprendre qu'en maintes occasions les apôtres, pour éviter de tomber en péril, se sont conduits suivant les lumières de la prudence humaine. Afin que les disciples, après son départ, ne disent pas que c'était son ange, ils le disent tout d'abord, et ils le voient ensuite lui-même, et il leur enlève cette opinion. Si c'eût été un ange, il n'eût pas frappé à la porte, il ne se fût pas retiré dans un autre lieu. Le fait paraît même plus croyable que s'il se fût passé en plein jour. Eux qui étaient libres demeuraient en prière , lui qui, était dans les chaînes dormait; s'il eût pensé que ce qui se faisait fût la vérité, il en eût été effrayé et n'en aurait pas gardé le souvenir; mais, croyant à un songe, il ne se troubla pas. " Ils arrivèrent près de la porte de fer ". Vous voyez si elle était solide. ", Ayant traversé la première et la seconde garde, ils arrivèrent à la porte de fer ". Et pourquoi, direz-vous, les apôtres ne font-ils pas ces prodiges par eux-mêmes ? Pourquoi ? Parce qu'en les délivrant par le moyen de ses anges, Dieu les honore. Quoi donc, Paul ne fût-il pas délivré sans l'intervention d'un ange? Oui, mais il y avait une raison à cela; il s'agissait alors de convertir le geôlier, et, dans le cas présent, il s'agissait seulement de délivrer l'apôtre; d'ailleurs, Dieu accomplit ses oeuvres de diverses manières. Là, Paul chantait des hymnes; ici, Pierre dormait. Ne cachons donc pas lés merveilles de Dieu, mais efforçons-nous de les célébrer pour notre propre utilité, et aussi pour l'édification des autres. De même que celui qui préféra être dans les chaînes est admirable, plus admirable encore est celui qui ne s'éloigna pas avant d'avoir annoncé tout à ses frères. " Et il dit : Annoncez cela à Jacques et aux frères ". Pourquoi cette recommandation? Afin qu'ils se réjouissent et ne soient pas dans l'inquiétude; et aussi pour que les apôtres apprennent la nouvelle par les disciples, et non ceux-ci par les apôtres. Ainsi il s'occupait des plus humbles. Rien n'est donc préférable à une légère affliction. Dans quel état pensez-vous que fût alors leur âme? De combien de joie ne fût-elle pas remplie?
Où sont maintenant les femmes qui dorment toute la nuit? Où sont les hommes qui ne se retournent pas même sur leur lit? Voyez-vous une âme vigilante? Rendus plus purs que le ciel par la persécution , les disciples chantaient des hymnes au Seigneur avec es femmes, les serviteurs et es servantes. Maintenant, lorsque nous voyons un petit danger, nous nous laissons abattre. Rien de plus splendide, que cette église. Soyons les .imitateurs et les émules de ces chrétiens. La nuit n'a pas été faite pour que nous dormions et soyons oisifs pendant toute sa durée : témoin les artisans, les âniers, les marchands, et l'Eglise de Dieu qui se lève pendant la nuit. Levez-vous donc , vous aussi, et contemplez le choeur des astres, le silence profond , et le calme immense de la nuit; admirez avec transport la sagesse du Maître de la nature. Alors l'âme est plus pure : elle est surtout plus légère, plus subtile. Les ténèbres elles-mêmes, le profond silence sont propres à produire la componction. Si vous contemplez le ciel comme semé d'yeux innombrables par les astres, vous goûterez une joie infinie en pensant d'abord au Créateur. Si vous pensez que ceux qui crient tout le jour, rient, dansent , sautent , commettent l'injustice, menacent,;s'adonnent à l'avarice et à tous les vices; si vous pensez, dis-je, que tous ces hommes ne diffèrent plus en ce moment des morts, vous prendrez en pitié cette vie mondaine à la fois si vaine et si fastueuse. Le sommeil vient, il triomphe de la nature; il est l'image de la mort, il est l'image de la consommation de toutes choses. Vous regardez dans la rue , vous n'entendez aucune voix; si vous arrêtez vos regards sur votre demeure, vous voyez tout le monde, comme étendu dans un sépulcre. Toutes ces choses sont propres à fortifier l'âme, et à la faire penser à la consommation universelle.
4. Voici ce que j'ai à dire aux hommes et aux femmes. Fléchissez les genoux, gémissez, priez le Seigneur de vous être propice. Il se laisse mieux fléchir par ces prières nocturnes, lorsque vous faites du temps du repos le temps des larmes. Rappelez-vous la parole d'un roi (130) : " Je me suis fatigué dans les gémissements, je laverai chaque nuit mon lit, j'arroserai chaque nuit ma couche de mes larmes ". Quelque opulent que vous soyez, vous ne l'êtes pas plus que ce roi; quelque riche que vous soyez, vous ne l'êtes pas plus que David. Et il dit de nouveau : " Au milieu de la nuit je me levais pour vous louer à cause des jugements de votre justice ". (Ps. VI, 7; CXVIII, 42.) Alors la vaine gloire ne vous agite plus; comment cela se pourrait-il, lorsque tous dorment et personne ne vous voit? Alors, ni la nonchalance, ni la lâcheté ne s'emparent de vous; comment le pourraient-elles, l'âme étant occupée à de telles choses? Après de telles veilles, le sommeil est doux, et les révélations admirables. Faites cela aussi, ô vous homme, et non la femme seulement. Que votre maison soit une église composée d'hommes et de femmes. Quand il n'y aurait qu'un homme et qu'une femme, ce ne serait pas un empêchement. " Là où deux sont réunis en mon nom ", dit le Christ, " je suis au milieu d'eux ". (Matth. XVIII, 20.) Là où le Christ est au milieu, là est une grande multitude. Là où est le Christ, là sont nécessairement aussi les anges, les archanges et toutes les puissances. Vous n'êtes donc pas seul, puisque le Seigneur de tous est avec vous. Entendez encore le prophète disant : " Un seul qui fait la volonté du Seigneur vaut mieux que mille prévaricateurs ". (Eccli. XVI, 3.) Rien de plus faible que de nombreux pécheurs; rien de plus fort qu'un seul homme vivant suivant la loi de Dieu. Si vous avez des enfants, réveillez aussi vos enfants, et que la maison devienne tout à fait une église pendant la nuit. S'ils sont petits, et qu'ils ne puissent supporter la veille, qu'ils se reposent après la première ou la seconde prière. Seulement, levez-vous, et faites-vous en une habitude. Rien de meilleur que 1e trésor où se déposent ces prières. Ecoutez les paroles du prophète : " Si je me souvenais de vous sur ma couche, le matin je méditais sur vous ". (Ps. LXII, 7.) Mais vous direz :J'ai passé le jour à travailler, je me suis fatigué, et je ne puis me lever. Ce sont là des prétextes et des excuses. Si fatigué que vous soyez, vous ne l'êtes pas autant que le forgeron qui lève, et laisse retomber son pesant marteau sur un fer embrasé, le corps toujours exposé à la fumée. Et cependant, il passe dans ce travail la plus grande partie de la nuit. Les femmes elles-mêmes savent comment, quand on a quelquefois le désir d'aller à la campagne, ou à une fête nocturne, on y veille pendant la nuit entière. Ayez donc un atelier spirituel, non pour y fabriquer des marmites et des bassins, mais pour y édifier votre âme qui est bien meilleure qu'un forgeron ou un orfèvre. Cette âme vieillie par le péché, jetez-la dans le creuset de la confession, faites tomber le marteau sur elle d'une grande hauteur; c'est-à-dire, les paroles de blâme; allumez le feu de l'Esprit-Saint. Vous avez un art bien supérieur à exercer. En effet, vous ne façonnez pas de vases d'or; mais, comme le forgeron fabrique un ustensile, vous formez votre âme qui est plus précieuse que l'or. Vous ne façonnez pas un vase matériel, mais vous débarrassez votre âme de toutes les chimères de ce monde. Ayez avec vous une lumière, non celle qui brûle, mais celle dont le prophète a dit: " Votre loi est une lumière pour mes pieds (CXVIII, 105) ". Enflammez votre âme par la prière, et si vous voyez qu'elle est assez enflammée, enlevez-la du feu, et façonnez-la pour le mieux.
Croyez-moi, le feu ne saurait si bien enlever la rouille du fer, que la prière nocturne, la rouille de nos péchés. Imitons au moins les gardes de nuit. Ces hommes, en vertu de la loi humaine, font leurs tournées au milieu du froid, poussant de grands cris; parcourant les rues, souvent mouillés et transis, pour vous, pour votre conservation, et la garde de vos richesses. Cet homme exerce une si grande vigilance sur votre fortune ; mais vous, vous n'avez nul souci de votre âme. Je ne vous astreins pas à courir dehors comme cet homme de garde, ni à pousser de grands cris, ni à vous épuiser de fatigue; mais dans votre chambre à coucher, ou dans la partie retirée de votre demeure, fléchissez le genou devant le Seigneur, et suppliez-le. Pourquoi le Christ a-t-il veillé pendant la nuit? N'est-ce pas pour nous donner l'exemple? Les plantes respirent à cette heure, je veux dire la nuit; l'âme alors reçoit plus qu'elles de rosée. Celles que le soleil a brûlées pendant le jour, se ravivent pendant la nuit. Mieux encore que la rosée, les larmes de la nuit sont versées sur la concupiscence, sur toute sorte d'ardeur et de feu, et elles empêcheront que l'âme ne souffre rien de grave. Si l'âme ne jouit de cette rosée, elle sera consumée pendant le jour. Qu'aucun de vous ne devienne la proie de ce feu; mais, rafraîchis (131) par la clémence divine, et recueillant les fruits de sa bonté, puissions-nous tous ainsi être délivrés du fardeau de nos fautes, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soient au Père et à l'Esprit-Saint , gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, dans tons les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
HOMÉLIE XXVII. LORSQUE LE JOUR FUT VENU, L'AGITATION N'ÉTAIT PAS PETITE PARMI LES SOLDATS. QU'ÉTAIT DONC DEVENU PIERRE ? HÉRODE L'AVANT DEMANDÉ , ET NE LE TROUVANT PAS , FIT FAIRE UNE ENQUÊTE CONTRE LES GARDES, ET ORDONNA DE LE FAIRE MOURIR; ET S'ÉLOIGNANT DE LA JUDÉE, IL ALLA DEMEURER A CÉSARÉE. (CHAP. XII, VERS. 18 ET 19, JUSQU'AU VERS. 4 DU CHAP. XIII.) ANALYSE.
1 et 2. Mort et châtiment d'Hérode, le persécuteur de saint Pierre.
2 et 3. Avantage du jeûne. — Rien n'est plus douteux qu'une femme qui n'est pas sobre. — Honteux effets de l'intempérance.
1. Bien des gens demandent comment Dieu autrefois put supporter qu'on immolât les enfants à cause de lui, et laisser mettre à mort les soldats à cause de Pierre, lorsque cependant il eût pu les sauver avec l'apôtre. Nais si l'ange eût emmené les soldats avec Pierre, on eût pris le fait pour une évasion ordinaire. Pourquoi n'a-t-il pas disposé les choses autrement, dit-on? En effet, quel malheur immérité ! Si nous considérions que ceux qui souffrent injustement n'éprouvent aucun dommage, nous ne demanderions pas cela. Pourquoi ne dites-vous pas aussi, à propos de Jacques, pourquoi ne le délivra-t-il pas? D'ailleurs, le temps de la Justice n'était.pas venu encore, pour que chacun reçût ce qu'il méritait. Mais Pierre ne les avait pas jetés entre les mains d'Hérode. Ce prince était surtout chagrin d'avoir été joué comme son aïeul l'avait été de se voir trompé par les Mages; c'était surtout un amer dépit d'être devenu un objet de risée. Il est bon d'entendre les paroles de l'écrivain. " Lorsque le jour fut venu ", dit-il, "l'agitation fut grande parmi les soldats, pour savoir ce qu'était devenu Pierre. Hérode l'ayant réclamé, et ne le trouvant pas, fit une enquête contre les gardes et ordonna de les mettre à mort ". Il apprit d'eux (car il fit une enquête) qu'il avait laissé ses chaînes et qu'il avait pris ses sandale, et que jusqu'a cette nuit il avait été avec eux. Mais que cachèrent-ils? Pourquoi n'avaient ils pas pris-la, fuite eux-mêmes? Il dut être étonné, il dut être frappé de stupeur. Du reste leur mort fait éclater à la fois et le prodige divin et la malice d'Hérode. Mais voyez comment l'auteur ne cache rien , et comme il mentionne un fait historique afin de nous instruire. Il dit donc ensuite : " Descendant de la Judée , Hérode demeura à Césarée. Hérode était irrité contre les Tyriens et les Sidoniens. Ils vinrent ensemble vers lui, et ayant gagné Blastus, le chambellan du roi, ils lui demandèrent la paix parce que leur pays tirait sa subsistance des terres du roi. Au jour fixé, Hérode, revêtu de son manteau royal, et assis sur son tribunal , les harangua; le peuple criait : C'est la voix d'un dieu et non celle d'un homme. Mais l'ange du Seigneur le frappa tout à coup, parce qu'il ne rendait pas gloire (132) à Dieu, et il expira dévoré par les vers. Mais la parole de Dieu grandissait et se multipliait (20-24) ".
C'est là un grand événement. La vengeance divine le frappe tout à coup, bien qu'elle ne l'ait pas atteint à cause de Pierre, mais à cause de son orgueilleux discours. Mais si le peuple l'acclame , dira-t-on , quel est en cela son crime ? C'est d'avoir reçu ces acclamations comme s'en trouvant digne. Grande leçon pour ceux qui font de téméraires flatteries. Remarquez que les uns et les autres sont dignes de châtiment; mais lui seul est frappé. Le temps du jugement n'est pas venu encore, mais Dieu frappe le plus coupable, et épargne les autres, afin qu'ils profitent de l'exemple. " Et la parole de Dieu, disent les Actes, croissait et se multipliait ", c'est-à-dire, après cet événement. Voyez-vous la providence de Dieu ? " Barnabé et Paul retournèrent à Jérusalem, après avoir accompli leur ministère; ils prirent avec eux Jean, surnommé Marc (25). Il y avait dans l'Eglise qui était à Antioche, des prophètes et des docteurs, Barnabé, Siméon, surnommé Niger, Lucius de Cyrène, Manahen, frère de lait d'Hérode le Tétrarque, et Paul ". (Chap. XIII, 1.) L'auteur nomme encore Barnabé le premier : Paul, en effet, n'était pas encore célèbre, et n'avait fait aucun prodige. "Pendant qu'ils servaient le Seigneur a et qu'ils jeûnaient, l'Esprit-Saint dit : Mettez-moi à part Barnabé et Paul, pour l'oeuvre à laquelle je les ai appelés. Alors après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent les mains et les congédièrent (2 et 3) ". Que veut dire : " Servaient le Seigneur? " Cela veut dire " Prêchaient. Mettez-moi à part Barnabé et Paul ". Que veut dire. " Mettez-moi à part ? " Pour l'oeuvre, pour l'apostolat. Remarquez par qui se fait l'ordination : par Lucius de Cyrène et Manahem , ou plutôt par l'Esprit-Saint. La grâce de Dieu se montre d'autant plus clairement que les personnes sont moins grandes. Enfin Paul est ordonné pour l'apostolat, afin qu'il prêche avec autorité. Comment donc Paul dit-il : " Non par les hommes, ni par le moyen des hommes? " Il dit : Non par les hommes , pour montrer qu'aucun homme ne l'avait ni appelé ni amené; il dit : " Par le moyen des hommes ", pour signifier que nul ne l'a envoyé, si ce n'est l'Esprit-Saint. C'est pour cela, que l'auteur ajoute : " Ceux-ci, ayant donc été envoyés par l'Esprit-Saint, descendirent à Séleucie, et de là naviguèrent vers Chypre (4) ":
Mais revenons au commencement de notre texte : " Le jour étant venu, l'agitation fut grande parmi les soldats, à cause de Pierre; Hérode fit une enquête contre les soldats, et ordonna de les faire périr". Il fut tellement dépourvu de bon sens, qu'il osa punir injustement. Voici que je défends leur cause. Les chaînes étaient là, les gardes étaient à l'intérieur, la prison était fermée, nulle part la muraille n'était percée; tous disaient : Cet homme a dû être enlevé; pourquoi les condamnez-vous? S'ils eussent voulu le délivrer, ou bien ils l'auraient délivré plus tôt, ou bien ils seraient partis avec lui. — Mais ils ont reçu de l'argent? — Comment celui qui n'en avait même pas à donner à un pauvre, leur en aurait-il donné ? En effet les chaînes n'étaient ni brisées ni déliées. Il fallait comprendre que le fait venait de Dieu et non des hommes. En. suite l'auteur rapportant un fait historique, il donne les noms pour montrer la vérité de ce qu'il rapporte. " Et ayant gagné Blastus, chambellan du roi ", disent les Actes, " ils demandaient la paix ". Ils agissent ainsi à cause de la famine. " Au jour fixé, Hérode s'assit sur son tribunal et fit un discours, "Aussitôt l'ange du Seigneur le frappa, et, dévoré par les vers, il expira".
2. Josèphe dit qu'Hérode fut atteint d'une longue maladie. Beaucoup ignoraient donc le fait raconté par saint Luc. Au reste, l'ignorance où ils étaient avait encore son utilité, car ils attribuaient le malheur d'Hérode à la mort de Jacques et au meurtre des soldats. Remarquez que lorsqu'il fit périr l'apôtre, il ne fit rien de semblable; mais lorsqu'il eut fait . périr les soldats, il devint taciturne , il est dans la perplexité, la honte le poursuit, il descend de la Judée et va à Césarée. Il me semble que, voulant aussi mettre à mort les apôtres, il vint à Césarée pour en faire son apologie. Il était furieux contre eux lorsqu'il courtisait les Césaréens, Voyez comme cet homme était avide de vaine gloire. Devant leur accorder une faveur, il le harangua. Josèphe dit qu'il portait une splendide robe d'argent. Remarquez aussi combien ce peuple est flatteur, et quel est le bon sens des apôtres. Celui que la foule entière acclamait, ils le méprisaient. Ils purent respirer de nouveau, et des biens sans nombre furent le résultat de la punition d'Hérode. Si cet homme, (133) pour avoir entendu cette parole : " La voix d'un dieu et non celle d'un homme ", fut ainsi frappé quoiqu'il n'eût rien dit, combien plus eût dû souffrir le Christ, s'il n'avait été Dieu, le Christ, qui disait sans cesse : " Mes paroles ne sont pas les miennes " ; et " mes serviteurs combattraient ", et tant de choses semblables. Hérode termina sa vie d'une façon honteuse et misérable, et il n'est rien resté de lui d'éclatant. Remarquez aussi comme il est persuadé par Blastus; avec quelle facilité ce malheureux homme est emporté par la colère et aussitôt s'apaise ; à quel point il est l'esclave du peuple et ne jouit d'aucune liberté. Considérez aussi l'autorité de l'Esprit-Saint. "Pendant qu'ils servaient le Seigneur et qu'ils jeûnaient ", dit l'auteur, " le Saint-Esprit leur dit : Mettez-moi à part Barnabé et Paul ". Eût-il osé, s'il n'eût joui de la même puissance que le Père et le Fils, dire ces paroles ? Ceci a lieu pour que ces apôtres ne demeurent plus tous ensemble. L'Esprit-Saint voit qu'ils sont plus forts et qu'ils peuvent suffire à un plus grand nombre. Comment leur parla-t-il? Peut-être par les prophètes. C'est pour cela qu'il est dit auparavant qu'il y avait des prophètes; ils jeûnaient et servaient Dieu, pour nous apprendre qu'ils eurent besoin d'une grande sobriété. Il est ordonné à Antioche où il prêche. Pourquoi l'Esprit-Saint ne dit-il pas Mettez à part pour le Seigneur, mais " pour " moi ? " Pour, montrer l'unité de puissance et d'autorité.
Remarquez-vous l'importance du jeûne? Il montre que l'Esprit-Saint fait toutes choses. C'est un grand bien que le jeûne. Il n'est circonscrit par aucune limite. Lorsqu'il faut ordonner, ils jeûnent; et alors l'Esprit leur parle. Le jeûne n'est pas cela seulement, mais s'abstenir des délices est une sorte de jeûne aussi. 1e ne commande que celui-ci : Ne jeûnez pas, mais abstenez-vous des délices. Recherchons la nourriture, mais non la corruption; cherchons la nourriture, mais non pas ce qui est la source des maladies de l'âme et du corps; recherchons la nourriture qui procure quelque plaisir, non les délices, qui sont une source d'incommodité ; c'est cela qui est délice, ceci est une véritable peste ; cela est joie, ceci chagrin; l'un est dans la nature, et l’autre lui est opposé. Si quelqu'un vous donnait à boire de la ciguë, ne serait-ce pas contre nature? Si l'on vous servait du bois et des pierres, ne les repousseriez-vous pas? Et avec raison, car c'est contre nature. Ainsi sont les délices De même que dans une ville, pendant un siégé, il y a tumulte et agitation quand les ennemis s'y introduisent; ainsi en est-il pour l'âme quand le vin et la bonne chère s'en emparent. " Pour qui les malédictions? pour qui les ennuis et les vaines paroles ? pour qui " le jugement, si ce n'est pour ceux qui passent " leur temps à boire? Pour qui les yeux livides? " (Prov. XXIII, 29, 30.) Mais quoi que nous disions, nous n'éloignerons pas de la bonne chère ceux qui y sont adonnés, si nous n'attaquons pas une autre maladie.
Et d'abord parlons des femmes. Rien de plus honteux qu'une femme adonnée aux plaisirs de la table, rien de plus hideux que celle qui s'enivre. La fleur de son visage se fane, la sérénité et la douceur de ses yeux se trouble; c'est comme un nuage qui passe sous le soleil et en intercepte les rayons. Elle devient une chose ignoble, servile et couverte de toutes les ignominies. Combien est désagréable la respiration d'une femme exhalant l'odeur puante du vin, vomissant des viandes corrompues, alourdie et ne pouvant se soulever, rouge plus qu'il ne convient, et prise de vertiges et de bâillements répétés. Mais telle n'est -pas la femme qui s'abstient de ces plaisirs : elle imprime le respect, elle est sage et belle. Une âme bien réglée communique au corps une grande beauté; ne croyez pas, en effet, que la beauté ne vienne que des formes corporelles. Prenez une jeune fille bien faite, mais turbulente, bavarde, médisante, adonnée au vin, coquette, ne devient-elle pas plus laide que la plus difforme? Au contraire, qu'elle soit modeste et discrète, qu'elle sache rougir, ne parler, qu'avec mesure, et jeûner; dès lors sa beauté est doublée, sa grâce devient plus grande, son visage plus agréable par la chasteté et la décence dont il est orné. Voulez-vous que nous parlions maintenant des hommes? Quoi de plus hideux que l'ivrogne? Il est la risée de ses serviteurs, la risée de ses ennemis, la pitié de ses amis, le digne objet de mille blâmes, une bête plutôt qu'un homme ; car se repaître. à l'excès appartient au léopard, au lion, à l'ours. C'est convenable pour eux; ils n'ont pas une âme raisonnable. Et même, chez ces animaux, lorsqu'ils se repaissent outre mesure et plus que ne le veut la nature, le corps entier se corrompt. Combien plus en (133) est-il ainsi pour nous? C'est pour cela- que, Dieu nous a donné un petit estomac; c'est, pour cela qu'il nous a fixé une petite mesure de nourriture, afin de nous enseigner à soigner notre âme.
3. Etudions la constitution même, de notre corps, et nous verrons qu'une petite partie de noire être est consacrée à cette opération, La bouche et la langue sont destinées aux hymnes, notre gorge à la, parole. La nécessité de la nature nous a ainsi liés, afin que nous ne puissions, même malgré nous, tomber dans un grand, embarras d'affaires. Si les délices de la table n'étaient la source de tant de peines, de maladies et d'indispositions , elles seraient supportables. Mais les bornes imposées à, la nature sont faites de telle sorte que, même en le voulant, nous, ne puissions les dépasser. Recherchez-vous le plaisir, mon cher auditeur? Vous le trouverez dans la frugalité. La santé ?C'est encore là qu'il vous faut la chercher. La quiétude? Vous ne, la rencontrerez que là. La liberté, la vigueur du, corps, sa bonne constitution, la sagesse de l'âme, la vigilance? Tous les biens naissent de la frugalité. Dans la bonne chère se trouvent les choses contraires : l'aigreur, la langueur, la, maladie, la bassesse et la prodigalité. D'où vient donc, direz-vous, que tous nous courons à.la bonne chère? Cela. vient de ce que nous sommes malades. En effet, dites-moi pourquoi la malade recherche-t-il, ce qui est nuisible? N'est-ce pas là encore un signe de maladie? Pourquoi, le boiteux ne marche-t-il pas droit? N'est-ce pas à cause de sa nonchalance, et parce qu'il ne veut pas aller au médecin? Parmi les choses. de ce inonde, les unes procurent. une joie passagère, et sont la cause d'un châtiment éternel ; les autres, au contraire, causent des souffrances passagères, et, procurent une joie, sans fin. Celui donc qui est assez lâche et, nonchalant pour ne pas mépriser les joies présentes, afin de gagner les biens futurs, est promptement séduit. Dites-moi, comment fut séduit, Esaü? D'où vient qu'il préféra une joie passagère à l’honneur à.venir? cela vint de la mollesse et de la faiblesse de son esprit. Mais cela même d'où vient- il? direz-vous. Cela provient de nous-mêmes, et évidemment de là. Lorsque tous le voulons, nous nous excitons, nous-mêmes, et nous devenons tempérants. Toutes les fois, qu'une nécessité survient, ce n'est, qu'en faisant des efforts que nous parvenons à.voir et à embrasser ce qui est bien. Lors donc que vous devrez vous livrer à la bonne chère, songez combien est court le plaisir qu'on y trouve, songez au dommage qui en résulte (car c'est un véritable dommage de dépenser tant de richesses pour son, propre malheur), songez, aux maladies, aux,infirmités, et méprisez la bonne chère. Combien voulez-vous que j'énumère d'hommes devenus victimes de la gourmandise ? Noé s'enivra et resta nu; et que de maux à cause de cela ! Esaü, par gloutonnerie, livra son droit d'aînesse, et il fut sur le point de commettre un fratricide. " Le peuple d'Israël s'assit pour boire et pour manger, et ils se levèrent pour jouer ". (Exod. XXXII, 6.): C'est pour cela qu'il est dit: " En buvant et en mangeant, souvenez-vous du Seigneur votre Dieu ". (Deut. VI, 2) Ceux qui se plongèrent dans la bonne chère, tombèrent dans l'abîme. " La veuve, qui vit. dans le luxe ", dit l’Ecriture, " est morte, quoique vivante " ( I Tim, V, 6) et ailleurs : "Le bien-aimé s'engraissa, il s'appesantit, et se révolta ". (Deut. XXXII, 16.) Et l'apôtre dit encore : " Ne cherchez pas à contenter les désirs de la chair ". Je ne fais pas une loi du jeûne (personne: ne me comprendrait) , mais je repousse les délices; excessives , je blâme la bonne chère pour, votre utilité. De même qu'un torrent, les délices renversent, tout; rien ne saurait leur résister : elles renversent les trônes. Que dirai-je de plus? Voulez-vous faire bonne chère ? Donnez aux pauvres ; appelez le Christ, afin d'être encore dans les délices lorsque la table sera enlevée. Vous n'avez pas maintenant, cet avantage ; je le.crois, bien ; les choses d'ici-bas s'ont, si peu stables. Mais plus tard vous l’aurez. Vous voulez faire bonne chère? Nourrissez votre âme , donnez-lui la nourriture dont elle a besoin. Ne la tuez pas par la faim. C'est le temps de la,guerre, c'est le temps du combat; et vous vous asseyez pour faire bonne chère ! Ne voyez-vous pas ceux qui tiennent. le sceptre, vivre frugalement à l'armée ? " Nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang " (Eph. VI, 1), et vous vous engraissez lorsqu'il faut combattre? L'ennemi,grinçant des dents est là, et vous êtes plongé dans la mollesse et attaché à la table. Je sais que je parle en. vain, mais pas pour tous. " Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ". Le Christ est desséché par la faim, et. vous, crevez des suites de votre (135) gourmandise. Ce sont deux excès. Quel mal ne causent pas les délices de la table? Elles portent en elles leurs contraires : Je ne vois pas d'où elles ont pris ce nom. Mais de même que la gloire et la richesse sont ainsi nommées quoiqu'elles ne soient que misère et pauvreté, de même le plaisir de la table porte ce nom quoiqu'il ne soit qu'amertume. Devons-nous être immolés, que nous nous engraissons nous-mêmes? Pourquoi préparez-vous aux vers un festin si copieux? Pourquoi préparez-vous une masse plus abondante de corruption ? Pourquoi déposez-vous en vous des sources d'humeurs et d'odeurs fétides? Pourquoi vous rendez-vous vous-même inutile en tout? Voulez-vous que l'oeil soit bon ? Rendez le corps robuste. Parmi les cordes d'instrument, celle qui est grasse et souillée est inutile pour la mélodie ; celle, au contraire, qui est partout bien tendue, est tout à fait harmonieuse. Pourquoi enterrez-vous l'âme? Pourquoi rendez-vous sa muraille plus épaisse ? Pourquoi épaissir le nuage de fumée qui vous aveugle,. car de la bonne chère s'élèvent de toutes parts comme des vapeurs et des brouillards. A défaut d'autres , les athlètes vous enseigneront qu'un corps plus grêle est plus robuste. Ainsi l'âme adonnée à la philosophie est plus forte. Je la compare à un écuyer sur son coursier. Or, il est d'expérience que les chevaux trop gras donnent beaucoup de peine aux écuyers, et qu'ils sont difficiles à manier. Ce qu'on souhaite, c'est que l'écuyer monté sur un cheval vigoureux et docile remporte le prix de la course. Mais donnez à un écuyer un cheval qu'il soit obligé de traîner, qui tombe mille fois sous lui, et qu'il ne puisse exciter même en se servant de l'éperon, si habile que soit cet écuyer il n'obtiendra pas la panne. Ne négligeons pas notre âme, ne la laissons pas opprimer par le corps; mais au contraire rendons-la plus clairvoyante; rendons son aile légère, ses, liens plus larges. Nourrissons-la de saintes paroles et de frugalité : ainsi notre corps sera robuste, et notre âme sera dans la joie, sera exempte de peine : et après avoir ainsi réglé convenablement notre existence, nous pourrons atteindre au sommet de la vertu, et jouir des biens éternels par la grâce et la bienveillance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soit, pour le Père et l'Esprit-Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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